A. Duny-Pétré: le vol du chandelier de Saint-Sauveur
Le
chandelier de
Saint-Sauveur d’Iraty
volé
Nous
devons répondre à la disparition de cet objet connu du patrimoine
basque. Pourquoi pas un nouveau chandelier de Saint-Sauveur ?
Photographié en 2006 |
Des
cambrioleurs ont fracturé la porte ouest de la chapelle de
Saint-Sauveur d’Iraty, lors de la première quinzaine de décembre
2018, ils ont dérobé le grand chandelier de métal noir qui se
trouvait près du choeur. La mairie de Mendive a déposé plainte.
Cet objet de facture relativement récente et dont la valeur
marchande est limitée, a en revanche une valeur symbolique
considérable. Sa présence en ce lieu fait écho à une des légendes
les plus connues du Pays Basque. Plusieurs versions de Salbatoreko
ganderailua furent recueillies par Jean-François Cerquand à la
fin du XIXe siècle, l’abbé Jean Barbier les a reprises
quelques décennies plus tard. Une chanson traditionnelle Salbatore
gora da également très connue, a été récemment enregistrée
par le chanteur souletin Michel Arotze.
Mentionnée
dès les XIIe et XIIIe siècles sous le
nom de Sanctus Salvador, Saint-Sauveur
d’Iraty relevait de la commanderie de l’ordre de
Saint-Jean de Jérusalem d'Apat Ospitalea, dépendant de celle
d’Irissarry et du grand prieuré de Navarre. Le curé de Behorlegi,
Jean Oxoby-Indart réalisa une importante restauration de la chapelle
en 1727. Son nom figure au-dessus de la porte ouest, en plein cintre
et porte cette date. Nombreux sont les bascologues qui ont écrit sur
ce monument, ses légendes et ses rites : Louis Colas, Jean
Barbier, l’abbé Pierre Haristoy, Clément Urrutibéhéty, Jean
Curutchet, etc. Aujourd’hui encore, une fois l’an au printemps,
les habitants de la vallée de Hergaray se rendent et participent
avec ferveur à la messe donnée à Saint-Sauveur d’Iraty.
Chacun
sait que sur un chandelier brûlent des cierges. La lumière qui en
émane est un des symboles majeurs qui irrigue l’art lapidaire et
les pratiques rituelles du Pays Basque d’hier où les femmes jouent
un rôle central (1). C’est dire combien ce lieu et l’objet
emblématique du chandelier, comptent dans la culture de ce pays et
dans la mémoire de ses habitants. L’effraction et le vol dont il a
été victime s’inscrivent dans la longue liste des objets disparus
de notre patrimoine : du retable en émail de San Miguel de
Aralar, à la statue de saint Cyprien d’Askonbegi, du plus humble
au plus fameux, inutile d’énumérer ce qui devient un crève-coeur.
La chapelle de Saint-Sauveur fit déjà l’objet d’un cambriolage
il y a quelques années.
Alors,
pourquoi pas, répondre à cette agression en lançant un défi :
remplacer le chandelier. Non pas par une copie —ce serait assez
dérisoire et dépréciatif— mais par une nouvelle œuvre, symbole
d’un lieu et d’une vallée, d’une communauté humaine qui, avec
Hergarai bizi, prouve sa vitalité. Le nouveau chandelier
sera-t-il la création originale d’un artiste contemporain ou au
contraire, s’inspirera-t-il de la ferronnerie pyrénéenne
religieuse ou profane des XVe et XVIe siècles,
telle qu’on peut l’admirer aux musées de Jaca ou de Vic ?
Peu importe. Il faut dire aux abrutis et aux salauds dominés par
l’appât du gain, que notre histoire, notre identité, notre
culture, n’ont pas de prix. Ce qui compte, c’est sa pérennité,
son avenir, dans les objets qui la matérialisent, qui nourrissent
notre sensibilité et notre imaginaire.
(1)
Voir à ce sujet les remarquables études
de Michel Duvert, Andere
serora, la femme et le sacré dans la civilisation basque
(https://bazkazane.blogspot.com/);
et de Marcel Etchehandy, Renouveau
du cimetière basque
(https://hilarriakeuskalherrian1.blogspot.com/)
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